Témoignage de Jésica

Bonjour, pour commencer j’aimerais vous poser deux questions. Si l’on vous parle d’une personne qui fréquente La Dauphine, quelle image de cette personne vous faites-vous immédiatement? Je voudrais aussi savoir pourquoi pensez-vous que les jeunes fréquentent La Dauphine? Je peux vous dire que les raisons sont multiples, les défis de chacun sont différents et que toutes réponses à ces questions sont bonnes.

Je vais vous raconter mon cheminement à La Dauphine en tant que jeune femme en difficulté. Beaucoup de gens jugent sur le « paraître » et sur le comment tu vas t’exprimer, mais comme je dis toujours, le pire des alcooliques peut enfiler un veston et une cravate et travailler! La moitié des jeunes qui viennent à La Dauphine sont des jeunes qui proviennent des centres jeunesse ou des jeunes qui se retrouvent à la rue avec leurs problèmes lorsqu’ils ont seulement 18 ans. Ils sont seuls au monde. Comment veux-tu parler de ton problème lorsque ton ami a le même? Cela n’est pas facile. Pour ma part, je n’aurais jamais pensé venir à La Dauphine. J’ai fait beaucoup de familles d’accueil; ils m’ont déplacée tellement souvent que j’en ai fait 14 au total.

À mes 18 ans, je travaillais comme tout le monde. J’ai toujours travaillé dans des usines, je faisais mes choses sans déranger et sans ne rien devoir à personne. L’élément déclencheur qui m’a poussée vers cet organisme a été ma grossesse lorsque j’avais 20 ans. Mon ex-copain est parti après 5 ans de vie commune parce qu’il ne voulait pas d’enfants! Quand j’ai appris que j’étais enceinte, il était trop tard pour planifier un avortement. À ce moment, on peut dire que le Bon-Dieu voulait me faire vivre une dure épreuve… Je n’avais plus d’emploi et plus personne à qui raconter ce qui m’arrivait surtout qu’à ce moment, mes amis n’étaient pas toujours les plus fréquentables.

Quand je suis venue à La Dauphine, je ne savais pas trop ce que je voulais exactement. J’ai passé ma journée à parler avec Lucie, une des intervenantes. Notre sujet de conversation portait sur comment j’allais faire pour m’aider avec mon petit en route. Cette conversation m’a fait beaucoup de bien. Après quelques visites à La Dauphine, je savais que je voulais retourner à l’école pour débuter ma troisième année de secondaire. Enceinte de 5 mois, je suis retournée sur les bancs d’école et j’ai réussi à faire mes mathématiques de troisième secondaire en 4 mois. J’avais tout ce dont je pouvais rêver et j’étais acceptée dans le groupe des jeunes de La Dauphine. De plus, si j’avais envie de parler à quelqu’un il y avait toujours un intervenant de présent. Sur l’aide sociale, peu de sous sont à notre disposition pour se trouver à manger. La Dauphine te donne des paniers de nourriture lorsque tu fréquentes l’école et des repas le midi. Je voudrais prendre le temps de dire un gros merci aux gens qui font des dons de nourriture parce que j’ai eu un petit garçon en santé grâce à la qualité des produits que j’ai mangés durant ma grossesse. Je sais que je n’aurais pas eu toutes les protéines nécessaires à son développement avec mon chèque d’aide sociale. Il y a aussi des activités nécessaires à ma grossesse que je n’aurais jamais été capable de me payer sans l’aide alimentaire offerte par La Dauphine.

En janvier, j’ai eu un autre problème et je n’aurais jamais pensé qu’une intervenante aurait pu me venir en aide. Lucie m’a accompagnée lors de mon accouchement parce que je n’ai plus de parents. On dit que la DPJ veut t’aider en te donnant 2 parents, mais ce n’est pas le cas. Je ne sais pas ce que j’aurais fait s’il avait fallu que j’accouche toute seule.

Quand j’ai accouché, de nouveaux problèmes sont survenus quand tout commençait à bien aller dans ma vie. À cette époque, je sortais avec un garçon qui a commencé à être violent et harcelant. Pour me sortir de cette situation, j’ai dû déménager. À ce même moment, j’ai vécu une expérience malheureuse et souffrante par le retrait de la garde de mon enfant par la DPJ. J’étais dévastée. Cela m’a pris 3 mois pour surmonter cet obstacle. Je suis une fille forte, mais à ce moment j’étais fatiguée. Je me suis battue toute ma vie. J’ai passé l’été suivant sans être active et pourtant, j’adorais bouger. Cet été-là, je me suis isolée et je ne parlais à personne.

À la fin du mois d’août, Lucie est venue me voir chez moi. Elle m’a fait réfléchir au fait que je n’étais pas la première maman à qui cela arrivait et qu’il faut que la vie continue. La semaine après, je me suis réinscrite à l’école et j’ai continué mon année pour faire un DEP. Mon apprentissage était plus difficile considérant que j’ai un problème de lecture; je mélange les mots et les sons. J’ai eu droit à une médication afin que mon problème soit moins présent et que je puisse avoir plus de facilité à apprendre. Merci à toute l’équipe de médecins et d’infirmières qui me sont venus en aide parce que sinon un an d’ajustement de médicaments aurait été nécessaire. Peu de temps après, mes maux de dents ont aussi été réglés. Je tiens à remercier les gens de l’Université Laval qui prennent de leur temps pour arranger les dents des jeunes de La Dauphine. En plus de problèmes dentaires, j’avais un problème de vue depuis un moment, mais je n’avais pas les moyens de me payer une paire de lunettes sur l’aide sociale avec 600 $ par mois. Je veux prendre le temps de remercier les donateurs qui m’ont donné 60 $ et au marchand de lunettes qui m’a offert mes lunettes pour seulement 160 $.

Merci à tous du fond du cœur, vous avez donné à une jeune mère l’espoir de réussir et de prouver qu’elle valait quelque chose. Dans peu de temps, je vais entreprendre mon cours de préposée aux bénéficiaires pour aider les autres à mon tour.

Jésica